Lettrage expressif et expérimental
À mesure que le monde devient plus global et plus connecté, il n’est pas toujours possible de compter sur les mots pour transmettre une culture à une autre. Loin d’être un inconvénient, de nombreux designers y voient une opportunité. Attendez-vous à voir des lettrages qui repoussent les limites de la lisibilité, en créant des formes qui sont expressives en elles-mêmes.
Les designers cherchent depuis des années des moyens de redonner vie au flat design vectoriel imposé par le numérique. Ils vont s’inspirer des pionniers du flat design, et notamment des artistes Ukiyo-e de la période Edo au Japon.
L’ukiyo-e est un style d’art imprimé (bien qu’il soit parfois peint) utilisant des blocs de bois sculptés à la main. L’une des œuvres les plus célèbres de ce style est La Grande Vague de Kanagawa. Ce style se caractérise souvent par des contours audacieux, des aplats de couleurs et des techniques de perspective limitées, autant d’éléments très familiers aux designers utilisant les vecteurs.
Les gribouillages sont plus que des formes insignifiantes que l’on dessine lorsque notre esprit vagabonde en plein milieu d’une présentation sur zoom… En réalité, ce que vous griffonnez peut en dire long sur vous. Ces petits dessins sont extrêmement personnels, et les designers s’en serviront dans leurs projets professionnels pour leur apporter un peu de leur propre paysage mental abstrait. Ce faisant, ils combleront le fossé entre les outils numériques et les techniques à l’ancienne à la main, en créant des designs accessibles. Cela n’est pas pour autant incompatible avec le design numérique, car les techniques comme l’animation permettent d’évoquer la nature libre du processus de gribouillage.
Au cours des dix dernières années, la course aux applications mobiles a favorisé l’adoption de conventions de conception strictes, axées avant tout sur la fonctionnalité. Si cela a permis de créer des interfaces que tous les utilisateurs arrivent facilement à comprendre, cela a également conduit à une certaine homogénéité. De nombreux designers ont repoussé ces limites en contournant les règles établies. Certains envisageront même de les enfreindre totalement et nous les appellerons les anti-designers. L’anti-design (apparenté au brutalisme, mais pas entièrement synonyme de ce courant non plus) ne se cache pas : il évite l’esthétique et les principes traditionnels du design graphique. Ainsi, on voit apparaître de l’asymétrie, des couleurs qui s’entrechoquent, des interfaces dépouillées, des éléments surchargés et des typographies austères. Bien que l’on rencontre ce type de design le plus souvent dans la sphère numérique, son esprit de rébellion peut s’appliquer à n’importe quel contexte graphique. Pour ses détracteurs, ce style est laid pour le plaisir d’être laid. Mais pour ses défenseurs, il permet de créer des designs qui s’affranchissent des normes de la beauté construites par d’autres.